Publié le 04/03/24
par Collaborateur Oxiam

L'un des plus hauts ponts au monde : le pont levant Gustave-Flaubert

Le Pont levant Gustave-Flaubert est un exemple remarquable de conception, de mise en œuvre et de technologie de pointe. Il est l'un des plus hauts ponts de ce type dans le monde.

Il succède à l'esprit du célèbre et iconique Pont transbordeur de Rouen, qui a malheureusement disparu pendant la guerre (1899-1940).

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Pont-transbordeur-Rouen | Source : wikimedia.org

Lors de son inauguration en 2008, le Gustave-Flaubert était alors le plus grand pont mobile de France, et il est en passe de devenir un nouveau symbole de Rouen.

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L’Armada à Rouen | Source : rouennormandyinvest.com

Ce pont levant par translation verticale, à deux tabliers indépendants, a principalement été bâti afin de décongestionner le centre-ville de Rouen. Baptisé Gustave-Flaubert en hommage à l’auteur rouennais, cet ouvrage d'art exceptionnel a été récompensé au grand prix de l'ingénierie en 2006. Il a été inauguré officiellement le 28 septembre 2008 et a été ouvert au public le 3 juillet de la même année pour l'Armada de Rouen de 2008.

Situé au nord-ouest de Rouen dans une zone industrielle et portuaire dense, le Pont Gustave-Flaubert a été conçu pour répondre à plusieurs contraintes :

  • Relier deux autoroutes, desservir les différentes zones économiques
  • Permettre le trafic maritime, tout en permettant le passage des plus grands voiliers du Monde, lors de l'Armada, d’où un gabarit de 55 mètres en position haute des tabliers.

Suite à un concours de maîtrise d'œuvre lancé par le ministère de l'Équipement et des Transports, la solution proposée par le groupement mené par Arcadis, avec Eurodim, Serf, Michel Vilorgeux et Aymeric Zublena a été retenue, celle d'un pont levant dont les deux tabliers sont portés par deux double pylônes retenant le système de levage.

Outre le défi technique d'une telle construction, l'aspect esthétique et l'insertion de l'ouvrage dans son environnement était une donnée essentielle du programme et donc, du résultat du concours.

Dans ce cas, l'ensemble du système de levage intégré dans les socles et à l'intérieur des pylônes a été salué par la critique. Seule partie mécanique visible, les papillons et leurs poulies en inox dépassent des longues flèches verticales.

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Ça passe… | Source : rouennormandyinvest.com

Le pont Gustave-Flaubert est le sixième pont édifié sur la Seine à Rouen. Il est aujourd’hui le second pont levant le plus haut de France après avoir été détrôné d’un mètre par le pont Chaban-Delmas de Bordeaux inauguré en 2013.

Le pont Bordelais culmine à 87 mètres contre 86 mètres pour le pont Rouennais. Il est en outre le troisième plus haut bâtiment de Rouen après la cathédrale (105 m) et la tour des archives (89 m).

Le pont sur la Garonne n’a qu’une travée quand celui sur la Seine en a deux. « C’est plus simple pour la maintenance. À Rouen on peut ne lever qu’un tablier et laisser la circulation sur l’autre à double sens. A Bordeaux quand il est levé la circulation est complètement coupée », indique Arnaud Le Goguic de la Direction nord-ouest des routes.

86 mètres, c’est la hauteur des piles comprenant les papillons, ces poulies en acier de 16 mètres de hauteur sur lesquelles s’enroulent les câbles permettant de remonter les tabliers.

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Le pont Gustave-Flaubert levé | Source : rouennormandyinvest.com

Les tabliers horizontaux de 120m de long dont 100 mètres mobiles sur les 700m que mesure le pont sur lequel circulent plus de 60 000 véhicules par jour se trouvent à 10 mètres au-dessus du fleuve en position baissée pour monter à 55 mètres en position levée.

La construction des deux socles elliptiques ancrés au fond de la Seine fut l'opération la plus complexe car chaque socle repose sur 18 pieux en béton de 1,8 m de diamètre et de 20 mètres de profondeur. Les éléments des socles en béton préfabriqué ont été réalisés en usine, assemblés sur le chantier, puis grutés et mis en place au centimètre autour des pieux en béton. Une opération complexe et à risque en raison des vents, des courants (certaines grues étant flottantes) et du trafic maritime maintenu autour du pont lors de sa construction, une fois les socles réalisés, la construction des pylônes a pu débuter.

D'une hauteur de 67 mètres et de forme oblongue, ils sont d'une verticalité parfaite pour assurer leur fonction de « grue de levage » pour les tabliers du pont. Chaque pylône a été réalisé par le levage et l'assemblage de demi-coquilles en béton préfabriqué (coffrage grimpant), avec un ciment de classe C40/50 (produit par Ciments Calcia). La maîtrise d'œuvre exigeant une qualité de béton et une régularité irréprochable, avec une teinte gris clair, afin d'assurer une qualité irréprochable du béton. Le chantier a mis en œuvre la technique de la « maturométrie » (méthode d'essai non destructive, consistant à déterminer le degré d'avancement des réactions d'hydratation qui correspond au durcissement du béton en mesurant, à partir du suivi de la température au sein de l'ouvrage, la chaleur dégagée par le béton au cours de son durcissement), et des coffrages isolés et chauffés.

Le pont levant est constitué de deux travées indépendantes placées de part et d'autre des pylônes. Ces travées ont été acheminées par voie fluviale, mises en place puis accrochées aux câbles de levage. En position basse de « roulage », les travées reposent sur quatre socles en béton servant d'assise.

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Séquence de pose du premier tablier, des barges aux pylônes | Crédit photo : c@mpingc@r76.fr
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Séquence de pose du premier tablier, des barges aux pylônes | Crédit photo : c@mpingc@r76.fr
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Séquence de pose du premier tablier, des barges aux pylônes | Crédit photo : c@mpingc@r76.fr
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Séquence de pose du premier tablier, des barges aux pylônes | Crédit photo : c@mpingc@r76.fr

Chaque travée est guidée par des galets Inox dans des rails Inox intégrés au génie civil avec une rectitude de 0,75 mm/m (contre 50 mm/m linéaires dans le GC traditionnel). Le centre de gravité du caisson métallique est excentré par rapport à la verticale de levage pour obliger la travée à s’appuyer sur le pylône. C’est ce dispositif qui a valu en 2006 un prix spécial de l’ingénierie à ses concepteurs

Les deux tabliers, sont hissés en douze minutes. Ils sont suspendus à 32 câbles, seize porteurs et seize moteurs. Des contrepoids permettent aux moteurs et aux câbles de ne pas avoir à supporter en propre les 1300 tonnes des tabliers.

Les moteurs électriques se trouvent sous la Seine. « Dans la mesure où ces mécaniques se trouvent en milieu humide, le système pourrait se gripper. Nous procédons à cinq levées par an pour la maintenance. », explique Arnaud Le Goguic.

Cinq levées pour la maintenance, c’est au final plus dans l’année que de levées pour laisser passer des navires.

De fait, ce pont, en service depuis 2008 après quatre ans de construction, est rarement levé. Ce qui n’est pas sans créer une polémique sur l’utilité d’un pont levant qui aura coûté 137 millions d’euros avec les accès routiers.

Le dernier pont sur la Seine à Rouen est situé en aval des autres ponts, au milieu de ce qui fut il y a un demi-siècle la zone portuaire. À l’origine, il était censé dévier du centre-ville quelque 50 000 poids lourds par jour (60 000 de nous jours) tout en permettant un accès direct aux bateaux de plaisance et commerciaux au port de Rouen, mais cela c’était avant que les armateurs et exploitants se fassent construire un nouveau terminal en aval du pont (en fait la pérennisation du port provisoire en usage durant les travaux de construction du pont), sur la presqu’île Saint-Gervais…

Pourquoi un pont levant ?

Un vaste débat fut organisé à partir des années 70 pour savoir ce qui devait être construit. Certains préféraient un tunnel, d'autres un pont conventionnel (mais qui aurait signé l’arrêt mort de l’Armada de Rouen).

Ce fut finalement un pont levant qui fut choisi. Il fallait concilier les nécessités du maintien d'un bassin portuaire jusqu'au pont Guillaume le Conquérant, la possibilité de transit pour les matières dangereuses (ce que ne permet pas un tunnel). Il faut penser aussi qu'un pont, surtout aussi nouveau que celui choisi, est plus valorisant pour l'image de la ville (notamment lorsqu’il rappelle l’image de l’iconique du pont Transbordeur) et des décideurs mais également pour permettre aux grands voiliers de le franchir afin de rejoindre le vieux port de Rouen pour perpétuer les éditions de l’Armada. C’est finalement un total de 13 levées annuelles qui sont enregistrés en moyenne. C’est tout le paradoxe du pont Flaubert : conçu pour laisser passer les géants des mers, son ingénieux mécanisme n’a pas convaincu les croisiéristes.

Quelques chiffres à retenir sur le pont Gustave-Flaubert

Le pont a des dimensions plus que respectables. Les papillons qui coiffent son sommet culminent à 86 mètres en faisaient le plus haut pont levant au monde lors de son inauguration.

  • Quatre ans de travaux : en projet depuis les années 1970, la construction a commencé en 2004, achevé en 2008 ;
  • 155 millions d’euros : c’est le coût estimé pour la construction du pont, 60 Millions d'euros pour l'ouvrage seulement dont 25 millions pour le système de levage ;
  • 1 300 tonnes par tablier : les deux tabliers du pont se lèvent, et peuvent se lever à 55 mètres de hauteur ;
  • 32 moteurs : pour lever chaque tablier, ces moteurs actionnent des treuils qui tirent sur des câbles ;
  • 4,2 mètres par minute soit 12 mn pour une levée haute.
  • 670 mètres de long : le pont signe la fin de l’autoroute A150 ;
  • 60 000 véhicules par jour : c’est, en moyenne, le nombre de voitures et camions qui empruntent le pont ;
  • 13 levages par an : en moyenne, pour la maintenance du pont et le trafic fluvial. La pluspart des gros bateaux s’arrêtent désormais en aval. Le pont permet notamment le passage des grands voiliers de l’Armada qui reviennent périodiquement à Rouen.
  • 21 août 2006 : Mise en place du tablier amont. En deux heures, les deux grues flottantes ont mis en place la travée métallique de 120 mètres de long, 17,3 mètres de large et pesant 1200 tonnes. Elles ont soulevé la travée d'une dizaine de mètres au-dessus de la Seine et l'ont posé sur ses deux piles.
  • 15 000 euros : C’est le montant facturé pour chaque passage aller ou retour de nuit (ce prix moyen comprend : bon de commande, facture d’électricité et des salariés).

Caractéristiques :

  • Construction : 2004-2008
  • Maître d'ouvrage : ex Ministère de l'Équipement, des Transports et du Logement
  • Maître d'œuvre général : ex DDE de Seine-Maritime
  • Maître d'œuvre et conception : Arcadis (mandataire, équipe Michel Moussard, Bernard Gausset), Eurodim, Eiffage TP, Serf ; Aymeric Zublena (architecte), Michel Virlogeux (ingénieur consultant)
  • Génie civil : Quille (mandataire) ; Eiffage TP, Eiffel-Victor Buyck Construction métallique
  • Ciment Calcia : CEM III/A 42,5 N CE PM-ES CP1 NF de l'usine de Gargenville
  • Portée entre les appuis : 170 m
  • Longueur totale, pont+viaducs : 670 m
  • Hauteur maxi par rapport au quai : 86 mètres.
  • Hauteur tabliers levés : 55 mètres.
  • Levée des tabliers : Par câbles et mécanisme dans le socle des pylônes de 67 mètres.
  • Pylône : 450 tonnes
  • Papillons : Poids total 450 tonnes
  • Longueur des travées levantes : 120 mètres
  • Largeur des travées levantes : 17,33 mètres
  • Hauteur des travées levantes : 3,50 mètres
  • Poids des travées : 1300 tonnes chacune