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Un risque qui nous concerne tous : le retrait-gonflement des argiles en France
Le retrait gonflement des argiles est un risque naturel classé dans la catégorie des risques de mouvements de terrain lents. De façon simple, un mouvement de terrain est défini comme étant le déplacement soudain de sols ou de roches instables, influencé par des facteurs naturels (la fonte des neiges, des précipitations intenses, des secousses sismiques, l'érosion en pied de versant, ou la dissolution des roches carbonatées ou sulfatées) ou par des activités humaines comme les terrassements, les vibrations, le déboisement, l'exploitation minière, les carrières et l'exploitation des nappes.
Chaque année en France, le phénomène de retrait-gonflement des argiles, bien qu’inoffensif pour la sécurité humaine, provoque d'importants dommages aux bâtiments. En raison de leurs fondations superficielles, les maisons individuelles se montrent particulièrement sensibles à ce phénomène.
Qu’est-ce que le retrait-gonflement ?
Certains minéraux argileux présents dans les sols ont la capacité de changer de volume en fonction du taux d'humidité du terrain. Ils se contractent pendant les périodes de sécheresse (phénomène de retrait) et se dilatent lorsqu'ils sont à nouveau hydratés (phénomène de gonflement). Ces mouvements lents peuvent prendre une ampleur suffisante pour endommager les constructions situées sur ces terrains. La variation du taux d'humidité peut résulter de conditions météorologiques inhabituelles, telles que la sécheresse ou des pluies abondantes, de fluctuations dans le niveau des nappes d'eau souterraines, ou encore de modifications hydrologiques liées à des interventions humaines. La présence d'arbres à proximité de bâtiments peut également aggraver le retrait des argiles en prélevant de l'eau de leur système racinaire. La variation répétitive de la teneur en eau des sols fragilise alors la structure des constructions laissant ainsi apparaître des désordres sur ces dernières (cf. Figure 1).
Pourquoi les sols gonflent-ils et se rétractent-ils ?
Le comportement de retrait-gonflement est principalement engendré par les phénomènes de capillarité, en particulier la succion. Les changements de volume observés dans les sols argileux sont liés aux variations de teneur en eau tel qu’expliqué ci-dessus. Il est important de noter que des variations de contraintes externes, telles que les surcharges, peuvent également induire des variations de volume. Tous les sols contiennent de l'eau en quantités variables (Cf. Figure 2), se répartissant comme suit :
- De l'eau de constitution, faisant partie intégrante de l'organisation moléculaire des grains constituant le sol.
- De l'eau liée adsorbée, résultant de l'attraction entre les grains et l'eau, créant une pression de succion. Cette couche adsorbée peut être envisagée comme un film visqueux entourant chaque grain.
- Une eau interstitielle, occupant les vides entre les grains du sol (lorsque ces vides sont entièrement remplis, on parle de sol saturé).
La répartition respective de ces différents types d'eau, fortement variable, dépend de la nature du sol et de son état hydrique. En fonction de cette répartition, les sols réagiront de manière distincte aux variations de teneur en eau. En général, plus la quantité d'eau adsorbée dans un sol est élevée, plus il est susceptible de subir un retrait.
C’est quoi une argile ? Pourquoi les sols argileux sont spécifiquement touchés par le retrait-gonflement ?
Selon la définition générale, tirée du Larousse 2023, l’argile est une roche sédimentaire, souvent meuble (glaise), qui, imbibée d'eau, peut former une pâte plus ou moins plastique pouvant être façonnée et durcissant à la cuisson.
En géologie, l’argile est une substance rocheuse naturelle composée de silicates ou d'aluminosilicates hydratés, caractérisés par une structure lamellaire. Elle résulte principalement de l'altération de silicates tels que les feldspaths. Dans le domaine de la géotechnique, qui se concentre principalement sur le comportement mécanique des sols, le terme "argile" est utilisé pour décrire les matériaux dont la granulométrie est inférieure à 2 µm.
Leur structure minéralogique est constituée de feuillets, sur lesquels les molécules d'eau peuvent s'adsorber sous l'influence de divers phénomènes physico-chimiques. Ce phénomène est d'autant plus prononcé que les grains du sol, fins et aplatis, offrent une grande surface développée. Il en résulte un gonflement du matériau, plus ou moins réversible, induit par l'eau adsorbée, qui assure les liaisons entre les grains et facilite les modifications de la structure du sol lors des variations de teneur en eau.
- Certains grains argileux peuvent voir leur volume changer, car la distance entre les feuillets argileux élémentaires varie en raison d'échanges d'ions entre l'eau interstitielle et l'eau adsorbée.
- Les pores du sol sont extrêmement fins, accentuant ainsi les phénomènes de capillarité.
Toutes les familles de minéraux argileux ne réagissent pas de la même manière au phénomène de retrait-gonflement. L'analyse de leur structure minéralogique permet d'identifier les plus sensibles. Les smectites, et dans une moindre mesure, les minéraux interstratifiés (caractérisés par une alternance plus ou moins régulière de feuillets de natures différentes), sont parmi les plus sujets à ce phénomène, que l'on qualifie d'argiles gonflantes.
Classification de l’aléa retrait-gonflement en France
A la demande du ministère en charge du Développement durable, le BRGM a cartographié l'aléa retrait-gonflement des argiles en France métropolitaine depuis 1997. Cette cartographie évalue, à l'échelle nationale, la probabilité d'impact sur les maisons individuelles en raison de ce phénomène. Pour ce faire, une susceptibilité au retrait-gonflement des argiles est attribuée aux formations argileuses identifiées à partir des cartes géologiques. La carte d'aléa retrait-gonflement des argiles résulte de la combinaison de ces résultats avec les données de sinistralité. Les cartes d'aléas retrait-gonflement des argiles, élaborées au niveau communal et départemental, contribuent à la création des plans de prévention des risques liés au retrait-gonflement des argiles (cartes de zonage réglementaire). Elles servent également à informer les professionnels du bâtiment et les particuliers des recommandations à prendre lors de la construction dans des zones sensibles au retrait-gonflement.
Les cartes réalisées par le BRGM répertorient le risque en 4 catégories principales :
- L’exposition rouge ou zones à haut risque sont définies par un aléa fort, caractérisé par une probabilité élevée de survenance de sinistres et une intensité accrue des phénomènes attendus.
- L’exposition verte ou zones à faible aléa sont celles où la possible occurrence de sinistres, liée à une sécheresse importante, serait susceptible d'affecter les bâtiments présentant des défauts de construction ou situés dans un contexte local défavorable, tel que la proximité d'arbres ou l'hétérogénéité du sous-sol.
- L’exposition orange ou zones d'aléa moyen correspondent à des situations intermédiaires entre ces deux extrêmes.
- Enfin, les zones sans aléa désignent les secteurs où les cartes géologiques actuelles ne révèlent aucune présence de terrain argileux en surface. Cependant, il est possible que des sinistres surviennent en cas de dépôt localisé d'argiles, tels que des lentilles intercalaires, des colluvions en pied de pente, ou des poches d'altération.
D’après le ministère en charge du Développement durable, l'aléa de retrait-gonflement d'argiles est marqué par une intensité forte sur 2 % du territoire de la France métropolitaine, équivalant à 10 600 km2, tandis que l'aléa de niveau moyen concerne 15 % du territoire, soit 83 800 km2, et l'aléa faible s'étend sur 44 %, représentant 241 300 km2. En opposition, les zones potentiellement non argileuses couvrent 39 % de la France métropolitaine, soit 212 800 km2.
*Les zones sans aléa sont représentées en blanc sur la carte ci-dessus.
L’aléa retrait-gonflement a-t-il un prix ?
À l'origine d'une déformation graduelle du sol ou du sous-sol, le retrait-gonflement des argiles peut entraîner des dommages dans les constructions, notamment des fissurations des éléments porteurs. Il impacte principalement les maisons individuelles, dont les structures légères sont particulièrement vulnérables en raison de leurs fondations généralement peu profondes et de leurs structures dimensionnées sans prendre en compte cet aléa.
Parmi les risques couverts par le régime d'indemnisation des catastrophes naturelles, la sécheresse constitue le deuxième poste d'indemnisation (36 %) après les inondations (55 %). Depuis l'intégration des mouvements de terrain dus au retrait-gonflement des argiles dans le régime des catastrophes naturelles en 1989, le coût des dommages résultant de ce phénomène s'élève à 13,8 milliards d'euros (Md € 2019) (CCR, 2020). Cela représente une moyenne annuelle de sinistralité de 445 M€ et un coût moyen par sinistre estimé à 22 000 € en 2015. Sur la première période (1989 à 2014), la sinistralité s'élevait à un peu plus de 9 Md€ en 2014, avec une moyenne annuelle de 370 M€ et un coût moyen d'indemnisation par sinistre de sécheresse de 12 700 €.
Les dommages les plus importants constatés correspondent à ceux de l'année 2003, marquée par une sécheresse exceptionnelle. Cette année-là, des fissures ont affecté plus de 100 000 bâtiments en métropole. Plus de 4 400 communes ont alors été reconnues en état de catastrophe naturelle liée à la sécheresse géotechnique, entraînant une indemnisation totale de 1,2 milliard d'euros (en euros de l'époque) par les compagnies d'assurance.
Comment faire pour savoir si son habitation ou sa parcelle est localisée dans une zone sujette au retrait-gonflement ?
Trois régions, à savoir la Nouvelle-Aquitaine (19,3 %), l'Occitanie (18,4 %), et le Centre-Val de Loire (15,2 %), regroupent collectivement plus de la moitié des surfaces métropolitaines soumises à un aléa fort ou moyen. En revanche, la Bretagne et la Corse représentent chacune moins de 0,5 % de ces surfaces. La région Centre-Val de Loire cumule à elle seule une superficie de 15 000 km2 exposée à un aléa fort ou moyen. Le département du Loiret, particulièrement affecté, voit 52 % de sa surface concernée par un aléa fort (9 %) ou moyen (43 %). Les marnes, calcaires, et marnes et sables de l'Orléanais, caractérisés par des argiles et des sables interstratifiés sur une épaisseur de 5 à 10 mètres, présentent une prédominance d'argiles gonflantes (smectites). En Auvergne-Rhône-Alpes, ce sont les argiles, marnes, et calcaires de l'Oligocène en Limagne et dans le Val d'Allier qui se distinguent par leur richesse en argiles gonflantes, exposant ainsi ces territoires à un aléa fort.
La loi du 22 juillet 1987 a établi le droit des citoyens à être informés des risques majeurs auxquels ils peuvent être exposés sur tout ou une partie du territoire, ainsi que des mesures de sauvegarde qui les concernent. Cette disposition légale a été incorporée à l'article L125.2 du Code de l'environnement. Pour savoir si votre projet de construction ou votre habitation est localisé dans une zone présentant un aléa retrait-gonflement des argiles, il vous suffit de :
- Consultez la base de données BD-retrait gonflement du BRGM directement sur infoterre.brgm.fr via une carte interactive contenant plusieurs bases de données nationales ou par l’intermédiaire de georisques.gouv.fr qui est aussi une carte interactive dédiée aux risques naturels réalisé sur partenariat entre le Ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires et le BRGM.
- Consultez le plan de prévention des risques naturelles (PPR) de votre commune. Dans les communes dotées d’un PPR prenant en compte les phénomènes de retrait-gonflement des argiles, le règlement du PPR définit les règles constructives à mettre en œuvre (mesures obligatoires et/ou recommandations) dans chacune des zones de risque identifiées. Dans les communes non dotées d’un PPR, il convient aux maîtres d’ouvrage et/ou aux constructeurs de respecter un certain nombre de mesures définis par la DPPR (direction de la prévention des pollutions et risques) afin de réduire l’ampleur du phénomène et de limiter ses conséquences sur le projet en adaptant celui-ci au site.
Article rédigé par Jean-Pierre K.M.